La migration, qu’elle soit volontaire ou forcée, est un phénomène aux multiples dimensions : économique, politique, sociale, mais aussi profondément humaine. Pour celles et ceux qui quittent leur pays, parfois brutalement et dans des conditions extrêmes, l’expérience migratoire laisse des marques profondes, notamment sur la santé mentale. Loin d’être un simple changement de lieu de vie, la migration représente un bouleversement identitaire, culturel, affectif et psychologique. Cet article explore les effets de la migration et du statut de réfugié sur la santé mentale, en mettant en lumière les facteurs de vulnérabilité, les troubles les plus fréquents, ainsi que les défis d’accès aux soins et les leviers de résilience.
Un parcours migratoire à fort potentiel traumatique
Le processus migratoire s’étend sur plusieurs étapes — avant le départ, pendant le trajet, puis à l’arrivée dans le pays d’accueil — et chacune peut avoir des conséquences néfastes sur la santé psychique.
Avant la migration
Dans les pays d’origine, les migrants et réfugiés sont souvent confrontés à des contextes extrêmement stressants : guerre, persécutions, pauvreté, violence, catastrophes naturelles. Ces événements sont des facteurs de stress post-traumatique, particulièrement pour les enfants, les femmes, les minorités ou les personnes persécutées pour leurs opinions ou leur origine.
Pendant le trajet
La traversée est souvent marquée par des conditions inhumaines et dangereuses : traversées clandestines, violences physiques ou sexuelles, exploitation, détention, faim, froid, perte de proches. Ces expériences laissent des traces psychologiques parfois durables.
À l’arrivée
Le pays d’accueil ne signifie pas forcément la fin de la souffrance. Les migrants doivent faire face à de nouveaux défis : précarité, isolement, incertitude administrative, parfois hostilité ou rejet social. Ces réalités peuvent prolonger, voire aggraver, l’impact psychologique du déracinement.
Troubles mentaux fréquents chez les migrants et réfugiés
L’exposition prolongée à des situations traumatiques augmente le risque de développer divers troubles mentaux :
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Trouble de stress post-traumatique (TSPT) : reviviscences, cauchemars, évitement, hypervigilance
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Dépression : tristesse chronique, désespoir, fatigue, perte d’intérêt pour la vie
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Anxiété généralisée : inquiétude permanente, troubles du sommeil, tension physique
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Troubles psychosomatiques : douleurs physiques sans cause médicale apparente
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Syndrome de déracinement ou « syndrome de l’exilé » : perte de repères, sentiment d’inutilité ou de non-appartenance
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Risques accrus de troubles chez les enfants et adolescents : difficultés scolaires, troubles de l’attachement, anxiété de séparation
La comorbidité est fréquente : plusieurs troubles peuvent coexister et s’alimenter mutuellement, rendant la prise en charge plus complexe.
Le rôle aggravant du statut administratif
Le statut de réfugié ou de demandeur d’asile joue un rôle déterminant dans la santé mentale. L’absence de statut clair, les procédures longues et opaques, l’attente interminable dans des conditions précaires, le risque d’expulsion sont des sources majeures de stress psychique. Plus l’instabilité dure, plus le risque de troubles mentaux augmente.
Les personnes sans papiers ou en situation irrégulière sont dans une insécurité totale : sans droit au travail, sans logement stable, souvent sans accès aux soins. Cette précarité extrême détériore rapidement leur équilibre psychologique.
Obstacles à l’accès aux soins psychiques
Malgré des besoins évidents, de nombreux migrants et réfugiés n’ont pas accès à une prise en charge adaptée en santé mentale. Les obstacles sont multiples :
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Barrière linguistique : difficulté à exprimer sa souffrance sans interprète
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Méconnaissance des droits et du système de santé
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Manque de professionnels formés à la santé mentale transculturelle
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Stigmatisation des troubles psychiques dans certaines cultures
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Méfiance envers les institutions médicales (surtout si elles rappellent les structures oppressives du pays d’origine)
Résultat : une grande partie des souffrances psychologiques restent invisibles, non diagnostiquées et non traitées.
Résilience et reconstruction : des trajectoires possibles
Malgré les épreuves, de nombreux migrants parviennent à reconstruire une vie stable et satisfaisante, souvent grâce à leur résilience personnelle et à des soutiens extérieurs. Cette résilience peut être soutenue par :
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Le soutien social et communautaire (famille, associations, pairs)
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La foi ou la spiritualité, qui offre un sens aux épreuves
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Des perspectives d’avenir concrètes : emploi, études, régularisation
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Des espaces d’expression : art, parole, création, écriture
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L’accès à des soins adaptés, notamment en santé mentale transculturelle
Le travail d’intégration et de guérison psychologique demande du temps, de la reconnaissance, et des ressources humaines et matérielles.
Un enjeu humain, social et politique
Le poids psychique de la migration et du statut de réfugié est une réalité trop souvent ignorée. Prendre en compte la santé mentale des personnes migrantes n’est pas un acte secondaire, mais une condition essentielle de leur dignité, de leur insertion et de leur avenir. Cela suppose des politiques d’accueil plus humaines, des dispositifs de soins plus accessibles, et une société plus inclusive, consciente de la richesse humaine et des vulnérabilités de celles et ceux qui ont tout quitté pour survivre.
Reconnaître la souffrance psychique des migrants et réfugiés, c’est poser un acte de justice, de solidarité et d’espoir.